L’Eglise est consacrée à saint Louis, roi de France sous le nom de Louis IX de 1226 à 1270. Nous savons en effet qu’il venait prier sur cette île, alors occupée par quelques vaches, et qu’il y prit la Croix avec ses chevaliers en 1269 pour partir délivrer Jérusalem. Il racheta à l’empereur Baudouin II de Constantinople la relique de la couronne d’épines du Christ : on le voit donc, sur la statue placée sous la tribune de l’orgue en train de la porter.
L’île est le fruit d’une opération immobilière initiée en 1614 par le roi Louis XIII, confiant à Christophe Marie, entrepreneur général des ponts de France, le soin de construire des quais, un pont, et de lotir les terres de l’île ainsi rendues habitables. L’île Notre-Dame et l’île aux Vaches étaient jusque-là propriété du chapitre de la cathédrale. Aussi les premiers habitants demandèrent-ils à ce chapitre de construire une chapelle pour leur assurer les secours de la Religion : chose faite dès 1623, et une paroisse indépendante fut même érigée en juillet de la même année. L’Eglise Notre-Dame-en-l’île, rebaptisée Saint-Louis en 1634, avait sa façade sur la rue centrale, et son chœur orienté au sud. Elle était entourée d’un cimetière et d’un marché prévu le long de la rue Poulletier.
Après que l’île fut entièrement bâtie, elle devint trop petite (on estimera la population du quartier à 8000 habitants en 1790). Il fallut alors construire une véritable église paroissiale digne de ce nom. La décision fut prise le 10 décembre 1642, mais les difficultés financières obligèrent à attendre 1656 pour que les travaux des fondations commencent. L’architecte Louis Le Vau habitait sur l’île, quai d’Anjou, et avait déjà édifié plusieurs hôtels. C’est à son frère François que revint l’honneur de dresser les plans de la nouvelle Eglise, orientée cette fois normalement, c’est-à-dire vers l’est, longeant en conséquence la rue Saint-Louis. Le marché et le cimetière devaient disparaître. La première pierre du chœur fut posée par l’archevêque Hardouin de Péréfixe le 1er octobre 1664, la bénédiction d’inauguration et de consécration de l’autel fut célébrée par François de Harlay le 20 août 1679. Le Vau était mort entre-temps en 1676, et c’est Gabriel Le Duc (ancien architecte du Val-de-Grâce) qui termina le chœur, le reliant par un transept inachevé à l’ancienne église pour lui servir de nef provisoire.
Le 2 février 1701, un ouragan détruisit la toiture de l’ancien édifice, tuant un certain nombre de fidèles. Il fallait donc achever la nouvelle Eglise : une loterie royale permit de récolter des fonds. Le Duc meurt en 1702, et Pierre Bullet reprend les plans en suivant la logique architecturale du choeur. Le cardinal de Noailles en posa la première pierre en 1702. Jacques Doucet acheva la nef en 1723, et donna les plans définitifs du transept et de la coupole, achevée en 1725. L’évêque de Grenoble, Jean de Collet, consacra l’Eglise le 14 juillet 1726…
Un campanile s’élevait à la croisée du transept, mais il fut détruit par la foudre en 1740, et remplacé en 1765 par le clocher actuel, curieux par sa forme d’obélisque ajouré, destiné à ne pas avoir prise au vent puisque nous sommes dans le cours de la Seine.
Selon les plans de Le Vau, l’Eglise devait avoir pour portail principal une entrée à colonnade ouverte dans le transept nord, sur la rue. Si un projet de façade à l’ouest a existé, il n’a jamais été réalisé car il aurait fallu ouvrir une place devant elle et démolir plusieurs maisons déjà construites. L’Eglise demeure donc pour toujours avec un mur pignon à l’ouest dépourvu de tout style, et une entrée ouverte dans la première chapelle latérale.Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681), neveu du célèbre peintre, dessina la décoration intérieure : mais prenons garde que la plupart des dorures que nous voyons actuellement datent du XIXème siècle. Il faut s’imaginer à l’origine une Eglise bien plus sobre et blanche, comme Saint-Jacques-du-Haut-Pas, Saint-Thomas d’Aquin ou Saint-Nicolas-du-Chardonnet, églises parisiennes de la même époque. Un premier orgue fut installé sur la tribune en 1744 par François-Henri Lesclop, dont nous connaissons le buffet par un dessin de la Bibliothèque nationale, mais pas le descriptif technique.
Les Jacquet de la Guerre furent titulaires de l’instrument appelé à disparaître comme tant d’autres durant la Révolution Française.Quels détails faut-il retenir de l’histoire de cette paroisse avant 1789 ? Saint François de Sales aurait prêché dans l’Eglise. Mais comme son voyage à Paris date de 1619, c’est au mieux une chapelle provisoire qui l’aurait accueilli… Saint Vincent de Paul tint de nombreuses réunions dans le quartier pour organiser ses bureaux de charité. De fait, il installa les Filles de la Charité en 1658 dans une école à côté de l’Eglise, rue Poulletier. Bossuet prêcha un panégyrique de Saint Louis en 1663, ainsi que Fléchier en 1681. Parmi les personnes enterrées dans l’Eglise, retenons le peintre Jean-Baptiste de Champaigne (1681) et le poète Philippe Quinault (1688). La tradition veut aussi que le jeune Bonaparte entra prier dans l’Eglise en 1784, dans son voyage entre Brienne et l’Ecole Militaire…
Durant la Révolution française, l’Eglise perd son orgue et presque tout son mobilier. Les statues dans les transepts de sainte Geneviève et de Marie, de François Ladatte, survécurent grâce à leur décoration en statue de la liberté et de l’égalité. Le curé depuis 1785, Corentin Coroller, prête le serment constitutionnel, ce qui n’empêche pas la fermeture de l’Eglise en 1791. En 1792, les métaux récupérables partent à l’Hôtel des Monnaies. Devenue dépôt littéraire, elle est ensuite vendue comme bien national le 31 juillet 1798 pour 60 000 francs à un certain Fontaine, qui la laissa curieusement à la disposition du curé Coroller, réfugié auprès de Notre-Dame, qui continua donc à y assurer le culte et à exercer son ministère dans le quartier. S’étant rétracté de son serment constitutionnel dès 1795, il devint curé concordataire de la paroisse en 1802 ; c’est ainsi qu’à l’occasion du voyage à Paris, pour le sacre de Napoléon, du pape Pie VII, il demanda à ce dernier de venir célébrer dans l’Eglise. Le Souverain Pontife visita de fait un certain nombre d’Eglises de la capitale durant son séjour de plusieurs mois. Le 10 mars 1805, il célébra la messe dans une église à peine remise en état, mais décorée de tapisseries des Gobelins. Comme toute une génération avait été privée des sacrements par la Révolution, il donna lui-même un grand nombre de premières communions. Sur l’actuel maître-autel, la tiare pontificale rappelle cet événement.
C’est seulement le 15 décembre 1817 que la Ville racheta l’Eglise à Fontaine. Coroller demeura curé jusqu’en mai 1821.
L’Eglise reçoit une nouvelle décoration dans la seconde moitié du XIXème siècle grâce aux dons de la Ville de Paris (vitraux du chœur, des chapelles nord, et peintures hautes des chapelles), et de certains particuliers (par exemple la chapelle des princes Czartoryski) et surtout grâce à l’action de Louis-Auguste Napoléon Bossuet, arrière petit-neveu de l’évêque de Meaux, curé de la paroisse de 1864 à 1888. Ce curé passionné d’art dépense sa fortune et celle de sa famille en achetant de nombreuses petites œuvres d’art qui décorent les chapelles latérales, et en récupérant et restaurant un grand nombre d’ornements anciens de l’abbaye royale de Longchamp. Comprenons bien que les cannelures des pilastres, les dorures des écoinçons et des médaillons ont fait perdre à l’Eglise sa sobre ordonnance architecturale d’origine. D’une certaine façon, cette Eglise « classique » s’est trouvée « baroquisée » au XIXème, mouvement qu’achève depuis 2005 l’installation du nouveau grand orgue de Bernard Aubertin par la Ville de Paris.
Aujourd’hui, Saint-Louis en l’Île est au centre d’une des plus petites paroisses du diocèse de Paris, couvrant le territoire de l’île Saint-Louis, de la moitié de l’île de la Cité (la cathédrale et l’ancien cloître Notre-Dame), et de l’ancienne île Louviers (le boulevard Morland couvre un ancien bras de Seine). La paroisse abrite depuis 1993 l’une des huit maisons du Séminaire diocésain de Paris.