Anti-intellectualisme
L’anti-intellectualisme catholique revient à grand pas. La Croix se plaignait que les catholiques se forment moins aux sciences humaines. Une commentatrice a écrit que pour comprendre le prologue de Jean il suffit d’avoir le cœur généreux ! Donc quand saint Augustin a démontré les influences platoniciennes de ce texte, et a laissé une dizaine de sermons pour le commenter, il a perdu son temps ? La philosophie est spécialement exécrée. D’invention païenne, c’est un ramassis d’abstractions qui font perdre la foi. Combien de fois m’a-t-on juré qu’un philosophe est inapte à servir les pauvres ? Tant pis si dans la Bible, le livre de la Sagesse est un livre philosophique, si depuis le moyen-âge l’Église exige de tout théologien qu’il étudie la philosophie, si parmi les plus grands philosophes on trouve saint Augustin ou saint Thomas d’Aquin, tant pis si le Concile Vatican I, Jean-Paul II, Benoit XVI, exigent la philosophie. Cet anti-intellectualisme vient en France d’abord de la Révolution.
Quand l’Église de la résistance sort du bois en 1802, elle est -par l’horreur de ce qu’elle a vécu- quasiment illettrée. En face, la Terreur a adoré la déesse raison. Donc, l’intelligence c’est l’ennemi. Du fait que tant de saints sont analphabètes (Bakhita), on déduit qu’il faut être analphabète pour être saint. C’est comme si du fait que Jésus aime les victimes de guerre on déduisait l’urgence de déclencher une guerre en France ! L’autre cause c’est l’affaire Dreyfus. Barrès a cru insulter les dreyfusards en les traitant « d’intellectuels ». D’autant que le premier d’entre eux en ordre chronologique est Bernard Lazare qui a proclamé : « le premier à se lever pour le juif est juif ». L’anti-intellectualisme est toujours antisémite. Le peuple juif, de Philon d’Alexandrie à Lévinas, nous a laissé une armée de philosophes. Pendant ce temps, Jésus est le Logos, la Vérité, la Sagesse. Croire le rejoindre sans réfléchir, c’est penser voler sans ailes.
Quant à moi, il y a exactement 40 ans, commentant sur un cahier L’Existentialisme est un Humanisme, le premier livre de philosophie que j’ai jamais lu, le Christ me donnait d’écrire : « Ce livre me permet de dire que le malade a la même valeur que moi ». En 2007, un an après ma thèse de philosophie, il me faisait aumônier d’hôpital.
père Matthieu Villemot, vicaire