Ne pas rajouter d’huile sur le feu
En 1989, j’avais 20 ans. Un âge porté à l’optimisme. Je revois ma mère regarder la chute du mur à la télé avec des yeux de chouette (l’animal de la philosophie) en déclarant : « la guerre est finie ». Les dictatures sud-américaines avaient disparu, les accords de désarmement étaient signés. J’ai rêvé en entendant Bush père parler de « new World Order ». La collection « que sais-je » avait consacré un volume à cette expression. La Bosnie puis le Rwanda a ramené ma génération à la réalité : l’histoire n’est pas finie, elle a encore des choses à donner, heureusement, elle a aussi encore des charniers à remplir, hélas. Nous y sommes : Ukraine, Israël, Haut Karabakh, Gabon, Niger, Mexique où les cartels font chaque année plus de morts que certaines guerres, et autres. La Chine, la Corée du Nord, L’Iran en profitent pour avancer leurs pions.
Face à tout cela que faire ? D’abord prier et croire à la prière. Patton, dont les convictions religieuses étaient étranges mais sincères, a fait rédiger à son aumônier militaire une prière demandant l’amélioration de la météo nécessaire à la victoire. Il aurait menacé l’aumônier de court martiale s’il n’était pas exaucé puisque c’est la mission de l’aumônier de prier. Il a eu son amélioration et il a libéré Bastogne (et l’aumônier reçut la Bronze star). Dans cette période liturgique, supplions Jésus de revenir vite puisque cela seul mettra fin à toute violence (la bataille finale doit symboliquement avoir lieu à Megiddo où les archéologues ont trouvé des traces de 17 batailles successives, la dernière en 1917). Ensuite, savoir raison garder. Qu’un camp commette des horreurs ne justifie pas l’autre de surenchérir. Qu’un camp soit l’agresseur n’empêche pas que l’autre, un jour, devra accepter de négocier. Ne pas dire : « on ne peut pas négocier avec machin », puisque c’est avec machin que demain nous négocierons. Éviter les amalgames : La Croix signalait que tous les Palestiniens sont loin de suivre le Hamas, et Netanyahu a fait se lever des manifestations monstres à l’échelle de ce petit pays. En juillet 44, des milliers d’officiers Allemands ont été exécutés souvent de manière atroce pour s’être opposés à Hitler. Ne pas rajouter d’huile sur le feu.
Sur un sujet aussi ultra-sensible que Gaza, il est inéluctable que tous les paroissiens ne partagent pas exactement mon point de vue. Ça s’appelle la démocratie. Mais s’insulter, se suspecter de je ne sais quoi ne rapportera pas la paix (ni la charité). Enfin, regarder les problèmes graves de la France avec sérénité au lieu de faire monter les enchères. Une guerre civile de plus ne rapportera pas la paix.
père Matthieu Villemot, vicaire