Toute vie vaut la peine

Le risque que la France légalise bientôt l’euthanasie ou le suicide assisté est élevé. Or, je vois chez certains pratiquants une rhétorique que je connaissais déjà pour l’avortement : « Mon père, merci de nous dire que toute vie est sacrée, mais dans ce cas précis, vous comprenez n’est-ce pas » ? Non, je ne comprends pas. Philosophiquement, cette thèse est suicidaire. Si je dis d’un seul embryon non désiré (celui que ma sœur a choisi de laisser naître quand elle avait 18 ans), d’un seul vieillard Alzheimer (ma mère il y a un an), d’un seul sans-papier en Méditerranée, que celui-là il faut qu’il meure (« soyez réaliste mon père » !) alors ma vie ne vaut que sous conditions, et ces conditions, elle ne les remplira pas toujours. En Belgique, il est devenu classique de se faire euthanasier pour des problèmes moins graves que ceux que j’ai (« soyez réaliste monsieur le paroissien »). À ce jeu, la mort gagne à tous les coups. 

Ce système compte beaucoup dans le fait que presque tous, nous nous demandons à quoi nous servons, si nous sommes assez compétents, assez jeunes et que sais-je ! Théologiquement comment oublier que cette logique a tué le Christ ? « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple » (Jn 11, 50). Pilate, lui a exécuté un homme qu’il savait innocent pour garantir le maintien de l’ordre (« soyez réaliste, mon père »). Jésus l’a voulu pour rejoindre tous ceux qui sont traités ainsi. Pour dénoncer les réalismes de mort. Et pour dire à tous ceux qui cautionnent ces carnages que même en eux la vie est encore capable de se révolter et de trouver miséricorde.

« Je mets devant toi la vie ou la mort, (…). Choisis donc la vie » (Dt 30,19).

père Matthieu Villemot, vicaire

« Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même »

(Rm 14, 7)

En cette période de rentrée, l’appel que saint Paul adresse aux Romains peut résonner pour chacun de nous : pour qui et pour quoi vivons-nous ? Pour nous séminaristes, cette question est au cœur de notre discernement. De nouveaux frères, une nouvelle paroisse pour certains d’entre-nous, de nouveaux cours et de nouveaux apostolats mais un seul but : suivre le Christ là où nous sommes, à Saint-Louis au milieu de vous.

Même si cela demeure un mystère, nous croyons que Jésus nous appelle ici et maintenant pour marcher ensemble, tous les sept. Pourtant, en apparence, la tâche ne semble pas aisée. En effet, comment concilier dans une même maison cinq Français, un Chinois et un Vietnamien, un fin gourmet et trois musiciens avec un féru de bibliothèque ou encore un Gascon et un Breton ? Qui donc peut ainsi nous réunir sinon le Christ ? Qu’est-ce qui nous unit sinon notre foi en un Dieu qui nous aime ? Chaque jour qui passe nous rend témoins de sa grâce, celle qui construit et soutient notre fraternité. Déjà ? Oui, dix jours ont suffit : un pèlerinage à Ars sur les pas du Saint Curé, quelques parties de Mölkky, une victoire de l’équipe de France contre l’Uruguay ou encore le chant des psaumes et l’adoration eucharistique, ont posé les premières pierres de notre vie communautaire.

Chacun d’entre nous, après des études en droit, en lettres ou en histoire, vient à la Maison Saint Louis pour approfondir sa vocation au sacerdoce. Si ce cheminement est infiniment personnel, vécu sous le regard de Dieu, nous le parcourons ensemble. Il ne peut donc s’agir d’une aventure solitaire : ce n’est que dans le service et le don de soi auprès de ceux que Dieu nous donne que nous expérimentons ce qu’est la vraie charité.

La rentrée paroissiale nous rappelle que ce qui est vrai pour notre vocation particulière au sacerdoce l’est avant tout dans notre vocation baptismale. Tous appelés à la sainteté, entrons dans cette dynamique t mettons-nous au service de la sainteté de ceux qui nous entourent. Nous émettons le vœu que la communauté paroissiale que nous formons soit le lieu où s’épanouisse notre vocation.

Axel, Gautier, Jean-Baptiste, Joseph, Louis, Melchior et Paul-Philippe, séminaristes à la Maison Saint Louis

« Là où deux ou trois sont réunis en mon nom je suis là au milieu d’eux »

Il est étonnant de voir avec quelle simplicité Jésus partage avec nous un secret sur la manière d’édifier la communauté paroissiale : « faire de nos rencontres un lieu privilégié de sa présence ». Et moi, Robenson Saturné, originaire d’Haïti, prêtre de l’archidiocèse de Port-au-Prince, je suis venu de loin pour rejoindre la famille paroissiale de Saint Louis en l’île avec le statut de prêtre étudiant. Ordonné prêtre le 27 décembre 2014, j’ai peut-être beaucoup de choses à partager avec vous, en terme de biographie, d’expériences et de parcours, conscient de mon caractère un peu réservé et sachant également que cette petite page ne suffirait pas pour dire vraiment qui je suis, je me contente de vous parler de beauté, beauté de Dieu et beauté de l’homme, cette beauté, qui est si évidente dans l’Évangile de ce dimanche qui constitue à mes yeux un résumé des vertus théologales. Croire, aimer et espérer, voilà ce qui peut rendre le Christ réellement présent au milieu de nous car nous ne pouvons pas nous réunir véritablement s’il n’y a pas un peu d’amour réciproque dans nos cœurs et quand nous nous réunissons c’est bien parce que nous avons une espérance, l’espérance que le Christ est là et sera toujours là au milieu de nous, l’espérance que son Esprit Saint continuera d’animer la vie de notre Eglise. Ce n’est pas toujours évident d’identifier cette présence sur le tas si bien que quand nous sommes confrontés à certaines expériences douloureuses, nous sommes portés à nous demander : « mais où est Dieu dans tout cela ? ». C’est peut-être la question que beaucoup se sont posés après le départ inattendu de Côme Chaîne. « Mais où est Dieu dans tout cela ? » Question difficile à répondre !

L’Évangile nous rappelle que le Christ est présent même dans les détails insignifiants du quotidien. Il est présent dans la communauté paroissiale qui cherche à renforcer les liens quand l’épreuve touche l’un de ses membres. Il est présent dans celui qui se tourne vers la prière quand les réponses à ses questions existentielles tardent encore à venir. Il est présent dans celui qui console, et qui prie pour le cœur affligé, dans celui qui accueille son prochain, dans ce papa ou cette maman qui apprend ses enfants à découvrir la beauté de la foi, dans ce chrétien qui supporte et prie, pour les vocations dans l’Eglise. Le Christ est non seulement présent dans notre prière, mais il est présent dans l’effort de chaque chrétien qui essaie d’ajuster son agir à la parole de Dieu, dans toute démarche qui soutient l’unité et la communion dans l’Eglise et voilà je suis là pour découvrir et approfondir la présence du Christ au milieu de vous. N’est-ce pas beau ? déjà mwen di nou mèsi pou pou akèy nou !

Père Robenson Saturné, prêtre étudiant

« Si quelqu’un veut marcher à ma suite… « 

A l’heure des retrouvailles paroissiales et au seuil d’une nouvelle année pastorale, scolaire, professionnelle, nous aurions peut-être rêvé d’un Evangile apparemment mois rude… « si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qui prenne sa croix et qu’il me suive ». La Parole de Dieu nous réveille et nous bouscule ! Pour la première fois dans l’Evangile Jésus annonce sa Passion. Il commence sa montée vers Jérusalem, sa mort et sa résurrection. Il nous propose de le suivre sur un chemin de croix. Cela peut légitimement nous effrayer. Pourtant, paradoxalement peut-etre, le chemin de croix avec le pape, dans le silence et le recueillement, s’est imposé comme un sommet des JMJ.

Ces mots de l’Evangile sont d’abord un appel adressé à notre liberté : que voulons-nous vraiment ? Voulons-nous marcher à la suite du Christ ? Voulons-nous perdre notre vie pour le trouver ? Le jeune François d’Assise s’est laissé toucher par cette interpellation du Christ qui a transformé sa vie. N’oublions pas non plus les versets qui précèdent cette question, entendus dimanche dernier : l’apôtre Pierre confesse sa foi et il devient pierre de fondation de l’Eglise. Aujourd’hui il est pierre d’achoppement, occasion de chute. Professer la foi de l’Eglise est un acte libre, risqué, qui nous engage totalement, nous expose, nous rend vulnérables aussi. C’est déjà l’expérience du prophète Jérémie, brûlé par ce feu de l’amour de Dieu, pourtant contesté en lui et autour de lui. Dire le Credo, témoigner de la foi reçue comme un don et une mission, conscients de porter ce trésor dans des vases d’argile, entretenir une relation personnelle d’amitié et de confiance avec le Christ, chaque jour, déborder de cette présence de Dieu en nous pour annoncer l’Evangile dans notre entourage, notre quartier, en courant le risque de n’être pas reçu : quel beau chemin pour cette année qui s’ouvre. Exigeant et comblant à la fois !

En relisant les évènements de cet été, en méditant dans nos coeurs les joies et les épreuves vécues en famille, en paroisse, autour de nous, demandons au Seigneur de pouvoir discerner sa volonté, et d’apprendre à l’accomplir. A l’image de Victoire baptisée ce dimanche, laissons-nous transformer de l’intérieur par la vie baptismale en nous, afin de pouvoir répondre en offrant notre vie à Dieu et à nos frères, comme saint Paul nous y invite, non pas dans la tension et la dureté mais dans la tendresse et la délicatesse. Dans deux semaines, le dimanche 17 septembre, aura lieu la rentrée paroissiale. Dimanche prochain nous accueillerons déjà les nouveaux séminaristes (Axel, Jean-Baptiste, Gautier et Paul-Philippe) ainsi que le père Robenson Saturné, prêtre étudiant d’Haïti. Dès aujourd’hui nous nous réjouissons de nous retrouver et nous souhaitons la bienvenue à tous les nouveaux paroissiens.

père Jean-Baptiste Arnaud, curé

« Venez à moi vous tous qui peinez, je vous procurerai le repos »

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Matthieu 11, 28). Au cœur de l’été nous recevons ces paroles de Jésus à ceux qui sont à la fois réjouis et épuisés par leur mission. Nous les entendons peut-être alors que nous avons la chance d’être partis pour un temps de vacances, de découvertes et de tourisme, en ville ou à la campagne, dans les montagnes ou au bord de la mer. Le Seigneur nous attend là-bas et il nous accompagne toujours, que nous soyons seuls ou en famille, pour quelques jours ou plus longtemps. Il nous offre de faire mémoire de la bonté de la création et du salut et de la liberté qu’il nous donne pour servir nos frères et sœurs, pour ralentir un peu, reprendre souffle et forces et poursuivre notre route. Le Christ, pain de vie, guérit et nourrit, les cœurs et les corps fatigués et affamés. Il nous associe à sa mission et il prend soin de nous. Il nous apprend à rendre grâce.

Nous recevons aussi cet appel au repos alors que nous sommes entrés dans l’église Saint-Louis, au cœur de l’Ile qui porte son nom, en plein centre de Paris. Que ce soit par hasard ou par habitude, au détour d’une promenade, d’une course, cherchant un peu de fraîcheur et de paix, venus pour écouter un concert, prier ou participer à un office, vous êtes attendus, vous êtes chez vous. Ces murs sont habités par la prière et la foi de ceux qui y viennent, seuls ou ensemble, pour rendre grâce à Dieu et le supplier. Ces voûtes sont remplies par l’engagement de tous ceux qui prennent soin les uns des autres et en particulier des plus vulnérables. Cette maison est la demeure de Dieu et de vous tous ! Chacun peut y trouver sa place, sa joie, son espérance, conduit par saint Louis, sainte Geneviève et la Vierge Marie que nous fêterons au cœur du mois d’août. Habitants, passants, commerçants, nouveaux venus dans le quartier ou familiers depuis longtemps, soyez les bienvenus !

Que nous soyons dispersés ou réunis au cours de cet été, nous restons en communion. Nous voulons même que nos liens grandissent dans le Seigneur, et que ce repos qu’il nous offre nous fasse du bien. Les enfants du catéchisme partent en camp à Blémur pour voir comment rebâtir Notre-Dame. Les étudiants et les jeunes professionnels de la Frat Saint-Louis se rendent à Lisbonne pour les Journées mondiales de la jeunesse, en passant par Loyola, Avila, Fatima sur les pas de saints. Ils nous portent et nous les portons dans la prière. Chaque mardi soir en juillet et en août après la messe de 19h tous ceux qui le souhaitent peuvent se réunir pour dîner au presbytère.

Avant d’avoir la joie de nous retrouver pour reprendre ensemble le chemin de la prière, de la fraternité, de la formation, du service et de l’évangélisation. Notez déjà la date de notre rentrée paroissiale : le dimanche 17 septembre, après la messe de 11h, bénédiction et accueil des nouveaux paroissiens, apéritif et présentation des activités et des projets paroissiaux. Beaucoup d’autres propositions vous sont déjà faites dans cette feuille de l’été, n’hésitez pas à venir, à vous manifester, à veiller les uns sur les autres, spécialement les personnes les plus seules et fragiles cet été. « Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge ! » (Psaume 33, 9).

Père Jean-Baptiste Arnaud, curé

25 ans de sacerdoce

Le philosophe André Glucksmann accusait ses amis catholiques de « numérolâtrie » à cause de notre habitude de solenniser n’importe quel anniversaire. Pourquoi, alors, célébrer 25 ans de sacerdoce ? À cause du concept d’aujourd’hui qui traverse la Bible. Dans le Deutéronome, Moïse dit au peuple : « ce n’est pas avec nos pères que le Seigneur a conclu cette alliance, mais bien avec nous, nous-mêmes qui sommes ici aujourd’hui, tous vivants (Dt 5,3) ». L’auteur de cette phrase sait que les générations juives, en la lisant, la prendront chacune pour elle. Saint Jean reprend ce schéma quand il nous rapporte la phrase de Jésus à la Samaritaine : « Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité (Jn 4,23) ». 

Le Concile de Trente a défini dogmatiquement que la messe rend présent aujourd’hui l’unique sacrifice de la Croix. Vatican II le répète. Nous le disons le jeudi saint : « au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa passion, c’est-à-dire aujourd’hui ». Jésus m’a fait prêtre en juin 1998, et aucun autre jour. Mais c’est aujourd’hui qu’il m’appelle à laisser mon sacerdoce déployer pour vous un fruit renouvelé. Nous célébrons ainsi sa fidélité. Fidélité pour moi, certes, mais comme tout chrétien c’est par mon baptême qu’il me sauve : « avec vous je suis chrétien et c’est mon espérance, lançait saint Augustin, pour vous je suis évêque et c’est ma crainte ». Sans doute y aura-t-il moins d’abus en tout genre le jour où nous écouterons cette phrase. 

La fidélité que Jésus manifeste aujourd’hui, elle est par-dessus tout envers vous. Mes mains vous donnent le Christ. Elles en sont indignes mais Jésus vous aime assez pour se donner à vous par moi. Par-là même, il vous montre son infinie miséricorde envers vous : si par moi, il est capable de se donner à vous, que ne fera-t-il pas par vous, quels que soient vos péchés, si vous le laissez faire ? Un jour une prostituée musulmane qui venait de se faire tabasser par des « collègues » s’est écroulée dans mes bras devant les bénévoles de l’association en criant : « alors Dieu m’aime assez pour m’envoyer un prêtre ». Mon sacerdoce n’était pas plus efficace que les salariées de l’association pour lui obtenir le RSA, des papiers ou que sais-je. Mais en ma personne sacerdotale, cette musulmane a su voir la fidélité de Dieu envers et contre tout. Sa fidélité pour elle comme pour tout être humain. C’est vrai. C’est cela que nous fêtons, et qui continuera. Car rien ne lassera Jésus de se donner. Même par moi. 

Père Matthieu Villemot, vicaire

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement »

Cette parole de Jésus résonne particulièrement en cette fin d’année scolaire et pastorale, elle nous aide à rendre grâce à Dieu. Et d’abord à prendre le temps de recevoir ses bienfaits, de faire mémoire de ses hauts-faits, des personnes rencontrées, des évènements vécus, des paroles échangées, plus ou moins discrètement parfois.

« Vous avez vu comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle ». Dieu lui-même nous donne de contempler son œuvre en nous, pour nous, par nous, et d’accueillir sa tendresse et sa délicatesse, sur les sommets de la joie comme dans les vallées de larmes y compris et surtout dans les épreuves et les obscurités.

« La preuve que Dieu nous aime c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs ». Dimanche après dimanche, jour après jour au fil de l’année nous recevons l’Eucharistie et le pardon de Dieu comme signe et instrument visible et efficace de sa présence et de son amour, pour nous, et entre nous. 

« Nous sommes à lui, nous son peuple, son troupeau ». Quel cadeau et quelle responsabilité d’être le peuple de Dieu, peuple de prêtres, de prophètes et de rois, peuple de disciples et d’apôtres, de frères et de missionnaires, qui invitent leurs voisins, amis, collègues, curieux, ces foules assoiffées, à venir à Dieu, le célébrer, le chanter, le rencontrer. 

« Voici les noms des Douze Apôtres » : nos noms sont inscrits dans l’Évangile pour que l’Évangile soit inscrit dans nos vies. Tous, chacun à notre place (chacun a la sienne dans l’Église !), nous formons cette communauté de brebis perdues et retrouvées, appelées par le Christ, choisies par lui pour porter sa vie au monde. La mission confiée par le Christ consiste à donner sa vie pour donner la vie, à tout recevoir pour tout donner.

Merci de tout cœur chers père Gilles, Paul, Louis-Joseph et Vincent pour votre témoignage d’une vie donnée au sein de notre paroisse. Nous prions pour vous et nous recommandons à votre prière !

Père Jean-Baptiste Arnaud, curé

Fête Dieu

La Fête-Dieu que nous célébrons ce dimanche est aussi appelée « fête du corps et du sang du Christ ». En effet par un mouvement qui part du haut moyen-âge, l’eucharistie est devenue le meilleur moyen de disposer d’hosties consacrées, comme si la communion était le tout de la messe. Bien sûr, il est beau de communier. C’est l’acte par lequel Jésus vient en ma chair aussi réellement que dans la chair de la Vierge à l’Annonciation. Pourtant cet acte est second. La messe, c’est d’abord l’actualité du sacrifice du Christ. La mort et la résurrection du Christ me sont réellement rendues contemporaines sur l’autel, comme nous le disons à l’anamnèse.

Saint Augustin a consacré des livres entiers de la Cité de Dieu à déployer cet aspect et quelques lignes des Confessions à parler de la communion. Le Concile de Trente a défini le sacrifice de la messe dans un décret ad hoc. Le Concile Vatican II le cite presque mot-à-mot : « Notre sauveur, la nuit où il était livré, institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles jusqu’à ce qu’il vienne, et en outre pour confier à son Église, son Epouse bien aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection ». Toute la vie de Jésus est contemporaine de la mienne et quoique je vive, je suis uni aujourd’hui au moment où Jésus a vécu la même chose. Uni, donc aimé. En outre, l’insistance sur la communion laisse de côté tous ceux qui, pour une autre ne peuvent pas communier. Alors que le sacrifice est offert pour eux aussi et qu’ils sont invités à s’offrir eux aussi. 

Enfin, ma grand-mère avait la tentation d’arriver à la messe à l’offertoire. Ce qui précédait, c’est pour les prêtres. De l’homélie elle attendait qu’elle lui rappelle de faire ses prières et d’aider les pauvres. Nous avons retrouvé le goût de la liturgie de la parole, y compris de l’homélie. Dieu e soit béni. Mais nous sommes devenus homélolâtres. Si le prêtre a la réputation de parler un peu moins mal que d’autres, nous en faisons le sommet de la messe. C’est insulter le Christ livré sur l’autel. Remettons chaque chose à sa place.

Père Matthieu Villemot, vicaire

« Dieu a tant aimé le monde »

« Dieu a tant aimé le monde… » (Jn 3). C’est à l’écoute de cette parole de l’évangile choisie par l’Église pour cette fête de la Sainte Trinité que nous marchons ce samedi sur les pas de Saint-Louis vers l’Abbaye de Royaumont, en méditant aussi l’Épître à Philémon, sorte de testament spirituel de saint Paul pour une communauté. L’amour qui unit le Père, le Fils et le Saint-Esprit en Dieu Trinité se diffuse, se répand, sur nous, en nous, entre nous. Nous sommes unis les uns aux autres par ce même lien d’amour. L’amitié avec le Seigneur et l’amitié les uns avec les autres : quel cadeau nous est donné de pouvoir le vivre dans notre paroisse et notre quartier ! 

« …qu’il a donné son Fils unique… ». Les enfants qui reçoivent le corps de Jésus ce dimanche pour la première fois sont le signe vivant de cette grâce imméritée qui nous est faite de pouvoir communier à cet amour, communier au Corps du Christ, en devenant ce Corps. Le Corps du Christ est autant (et d’abord) présent dans l’assemblée appelée par le Père, unifiée par l’Esprit, que sur l’autel où le Fils est offert en sacrifice pour le salut du monde. Le Corps du Christ c’est l’Église, qui célèbre l’Eucharistie, et qui devient ce qu’elle est en célébrant l’Eucharistie. Selon une formule célèbre du cardinal de Lubac : « L’Église fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Église ».

« …afin que quiconque croit en lui ne se perde pas ». En célébrant la fête de la Sainte Trinité et les premières communions nous sommes invités à un acte de foi. Nous disons le Credo dimanche après dimanche. Nous disons Amen aux paroles et aux gestes qui nous établissent dans la communion avec Dieu et entre nous. Nous en sommes rendus capables car le Seigneur est « Dieu tendre et miséricordieux », il « daigne marcher au milieu de nous » comme il le révèle déjà à Moïse et au « peuple à la nuque raide » (Ex 34). L’enjeu de cette réponse de foi est d’être transformé de l’intérieur et dans un agir nouveau, d’entrer dans le salut que Dieu nous offre, dans la vie éternelle déjà inaugurée ici-bas, pour nous et pour le monde entier : de tout cœur, « vivez en paix » (2 Co 13), et bénissez le Seigneur (Dn 3) !

père Jean-Baptiste Arnaud, curé

Évangéliser

Le pape François, ces temps-ci, fait porter ses enseignements sur la nécessité de l’évangélisation. C’est doublement logique. D’une part, la Pentecôte a été le lancement de la première évangélisation, d’autre part notre monde se déchristianise à grands pas et en crève : guerre, drogue, crise climatique, crise migratoire, dérives sociétales et j’en passe, seul l’évangile répondra à la gravité de ces enjeux. 

Mais pour évangéliser, il ne faut pas seulement améliorer ses techniques comme la sono ou la rhétorique, il faut d’abord convertir son cœur de multiples manières. Je n’en citerai qu’une : pour évangéliser les autres, il faut les écouter, leur parler, dialoguer avec eux. Ce sont des chrétiens qui à des fins d’évangélisation, ont donné leur alphabet aux slaves, aux vietnamiens, aux guaranis. Ce sont les jésuites qui à des fins d’évangélisation ont fait connaître à l’Occident les trésors de la civilisation chinoise. Or, notre époque vit le repli sur soi : si je suis convaincu de la nécessité de tunnels à hérissons sous les autoroutes, je ne suis abonné sur les réseaux sociaux qu’à des comptes qui disent la même chose et insultent ceux qui n’ont pas compris l’urgence de cette réforme. Insultes bien vides, puisque personne ne les reçoit. Nous catholiques, tombons dans le même travers. Si je suis convaincu que le concile de Trente est indépassable, que seule la liturgie dos au peuple est sacrée et qu’une femme n’a pas le droit de donner la communion, suis-je capable de débattre avec un catholique qui pense que le concile Vatican II nous a libérés, que l’ancienne liturgie était cléricale et que les divorcés remariés devraient pouvoir communier ? Rien n’est moins sûr. 

Oublie-t-on que si l’Islam est entré si facilement dans le flanc oriental de la chrétienté pendant l’hégyre, c’est que chaque groupuscule chrétien préférait se donner à l’Islam que s’allier au groupuscule chrétien d’â coté ? En sommes-nous si loin ? L’Esprit-saint, lui, a donné aux apôtres de parler dans toutes les langues et d’aller discuter partout. Y compris avec les sages païens de l’aéropage. Il ne demande qu’à nous apprendre la langue du frère. Non pas pour tomber dans le relativisme, mais pour dire que du dialogue seulement surgira un évangile que le monde pourra recevoir. Demandons-donc à l’Esprit de nous réapprendre à nous parler. 

Père Matthieu Villemot, vicaire