Les deux dimensions du Carême
La finalité propre du carême consiste à s’unir davantage au Christ, ou plus véritablement de le laisser s’unir davantage à nous. Mais cela comporte deux dimensions : personnelle et collective. Souvent, nous posons pendant le carême des choix personnels : je prie plus, je donne tant à telle association, je jeûne le vendredi, en espérant par-là m’ouvrir davantage à la miséricorde de Jésus. C’est excellent et Jésus et la tradition mystique nous le demandent. Cette dimension-là peut déjà être difficile à croire du fait de nos blessures, de nos péchés.
Jésus peut-il vraiment vouloir se donner à « l’avorton que je suis » comme dit saint Paul ? La victoire de Pâques sera pourtant donnée à tous ! Jésus n’aime pas une masse informe comme les totalitaires, il m’aime moi. Mais comme dit Vatican II, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Je ne peux pas laisser Jésus s’approcher de moi sans du coup m’approcher de toute l’humanité. C’est en fait la seule manière de s’approcher de toute l’humanité.
Aujourd’hui, cela peut sembler encore plus compliqué à croire. Pourtant, par notre effort à Hiver solidaire, nous n’avons pas seulement aidé quelques SDF, nous nous sommes aussi redits à quel point tout être humain a droit à être inséré dans la communauté. Quand une famille accepte le sacrifice d’accueillir un enfant non désiré, elle redit que toute vie est sacrée. Il peut sembler que notre jeûne ne sert à rien à la paix en Ukraine, mais l’avidité, l’orgueil, sont à la racine de toutes les guerres. En cherchant une vie sobre, nous faisons grandir la paix. Comme disait Thérèse de Lisieux, tout acte bon élève toute l’humanité. Demandons la grâce d’y croire davantage.
père Matthieux Villemot, vicaire